« De la Catastrophe au Catalyseur »

3 enseignements et 5 propositions des Outre-mer pour optimiser la gestion de crise en France

Le plébiscite et les remerciements appuyés saluant la qualité des interventions et de l’animation qui a conclu la séquence "Gestion de crise" au Congrès Interco' Outre-mer n'était pas un simple applaudissement.

C’était l’expression d’une prise de conscience collective : les Outre-mer ne sont plus seulement en première ligne face aux risques, ils sont à l’avant-garde des solutions.

Notre table ronde a transformé les témoignages poignants de Mayotte, La Réunion et des Marquises en une feuille de route politique claire. Voici les leçons et les propositions qui en découlent.

Enseignement n°1 : L’État régalien est nécessaire, mais il ne peut pas être solitaire.

L’intervention du Sous-préfet de la Ville des Sables d’Olonne Jean-Pierre BALCOU, a été éclairante.

Fort de son expérience au Ministère des Outre-mer durant les cyclones Irma et Maria, il a rappelé le rôle indispensable du préfet comme directeur des opérations de secours. Cependant, son témoignage sur la tempête Xynthia en Vendée et les crises plus récentes a aussi montré que l’efficacité repose sur la collaboration avec les acteurs territoriaux.

Le « Beauvau de la sécurité civile » en ce moment même engagé, pose d’ailleurs la question du rôle des intercommunalités, signe que le modèle doit évoluer. Il appelle à ce que les Outre-mer y prennent totalement place.

Enseignement n°2 : L’anticipation locale est la clé, mais elle manque de moyens et de reconnaissance.

Les interventions d’Ali Moussa Moussa Ben pour Mayotte et de Ranka Aunoa pour les Marquises ont été unanimes. La Communauté de Communes du Sud de Mayotte (CCSud) avait engagé dès 2022 une démarche d’anticipation (« PIYASS NAZI RISK »). Aux Marquises, face au risque tsunami, l’isolement rend l’improvisation impossible. Le constat est le même : les maires et les EPCI sont en première ligne, mais avec un manque de reconnaissance et surtout sans moyens dédiés.

Enseignement n°3 : La double insularité des archipels crée un « vide institutionnel » qui appelle une réponse innovante.

Le cas de Ua Huka aux Marquises – Communauté de Communes des Îles Marquises –, sans représentant permanent de l’État, est extrême : le maire endosse seul toutes les responsabilités, mais sans l’autorité ni les moyens. Ranka Aunoa a été clair : dans ce contexte, la mutualisation est quasi impossible en urgence et « l’EPCI d’archipel » représente la piste la plus appropriée pour penser la prévention à la bonne échelle et de façon générale pour engager une forme de gouvernance plus appropriée.

5 propositions des Outre-mer pour optimiser la gestion de crise en France

Les 5 propositions pour une nouvelle gouvernance des risques :

1. Reconnaissance législative des EPCI et création d'un statut "d'EPCI d'archipel".

>> Inscrire le rôle opérationnel des EPCI en matière de gestion de crise directement dans la loi (via un amendement du Code Général des Collectivités Territoriales).

Donner une base légale solide et incontestable à l’action des intercommunalités, clarifiant leur positionnement aux côtés de l’État et des communes.

2. Financement dédié à la prévention, en fléchant une part du Fonds Barnier vers les intercommunalités.

>> Flécher une part des fonds de secours nationaux (ex: 10% du Fonds Barnier) et des dotations de l’État directement vers les EPCI pour financer leurs actions de préparation aux risques.

Donner aux EPCI les moyens financiers de leurs ambitions en matière de prévention, sans dépendre uniquement des budgets de reconstruction post-catastrophe.

3. Création d'une cellule de crise intercommunale permanente pour passer d'une culture de la réaction à celle de la préparation.

>> Mettre en place dans chaque EPCI exposé une cellule de crise permanente, chargé/ référent de la planification, de l’organisation d’exercices réguliers et de la coordination des acteurs en amont des crises.

Passer d’une logique de réaction à une culture de la préparation proactive, en assurant une veille et une animation constantes du dispositif de sécurité civile à l’échelle intercommunale.

4. L'EPCI, co-décisionnaire des Plans de Prévention des Risques (PPRN), pour garantir la cohérence avec les projets de territoire.

>> Intégrer formellement les EPCI dans les instances de décision pour l’élaboration et la révision des Plans de Prévention des Risques Naturels (PPRN).

Garantir que la vision stratégique et les compétences de l’EPCI (aménagement, développement économique, habitat) soient pleinement prises en compte dans la politique de prévention des risques à long terme.

5. Instaurer une "Clause de suppléance et de subsidiarité d'urgence", pour donner un cadre légal à l'action locale en cas d'isolement avéré.

>> En cas de crise majeure avérée et d’isolement d’un territoire empêchant l’action des représentants de l’État, reconnaître légalement à l’EPCI (ou à défaut, à la commune) la capacité d’exercer temporairement certaines prérogatives d’urgence, avec l’accès à des moyens pré-positionnés.

Conclusion

L’appel solennel lancé à l’issue du congrès n’est pas une simple revendication. C’est une offre de partenariat.

L’expertise du Sous-préfet Jean-Pierre BALCOU, qui fut l’un des promoteurs de l’état de calamité naturelle exceptionnelle activé pour Chido, montre que l’État sait faire évoluer le droit.

Il faut aujourd’hui poursuivre cette démarche.

Les Outre-mer ont montré la voie ; il est temps que la République s’engage sur une loi qui adapte ses normes à la réalité de tous ses territoires.

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